NOTES SUR / ON " ELEPHANT MAN "
Un film de David LYNCH, produit par Mel BROOKS, d'après une histoire vraie
A film by David LYNCH, Produced by Mel BROOKS, after a true story
Une photo couleur par Christopher Tucker de l'Elephant Man
A colour photo by Christopher Tucker of the Elephant Man.
Ce texte était à l’origine sensé être une conférence prononcée après une projection du film dans un Festival le 2 Avril 2022. Mais cette conférence fut annulée car on m’a dit que le public préférait débattre directement avec moi. Néanmoins, la plupart de ce texte a pu être dit, même dans le désordre, au cours du débat qui eut lieu et le public a beaucoup apprécié.
Malheureusement, mon ami Christopher Tucker est décédé quelques mois après, et j'ai donc modifié les dates de références de ce texte.
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Le vrai nom de John Merrick était Joseph Merrick.
A l’époque du tournage du film, fin 1979 et début 1980, on croyait encore que la maladie dont il souffrait était une " neurofibromatose de Type II ", la maladie de Recklinghausen, découverte en 1881, mais en 1976 on a découvert que c’était en fait un Syndrome de Protée, ainsi baptisée en 1981 (donc après la fin du tournage), une forme de tumeur évolutive changeant de forme (d’où son nom) et affectant tous les tissus conjonctifs, épidermiques ou osseux.
Des photos et des moulages du vrai Joseph Merrick ont servi de référence à Christopher Tucker pour créer la sculpture de son personnage, un peu différent du vrai.
This text was originally intended to be a lecture delivered after a screening of the film at a festival on April 2, 2022. However, this lecture was canceled because I was told that the audience preferred to engage in direct discussion with me. Nevertheless, most of this text was spoken, even in disorder, during the debate that took place, and the audience greatly appreciated it. Unfortunately, my friend Christopher Tucker passed away a few months later, so I have adjusted the dates of reference in this text.
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The real name of John Merrick was Joseph Merrick.
During the filming of the movie, in late 1979 and early 1980, it was still believed that the condition he suffered from was neurofibromatosis Type II, also known as Recklinghausen's disease, discovered in 1881. However, in 1976, it was discovered that it was actually Proteus syndrome, named as such in 1981 (thus after the end of filming), a form of progressive tumor that changes shape (hence its name) and affects all connective, epidermal, or osseous tissues.
Photos and casts of the real Joseph Merrick were used as references by Christopher Tucker to create the sculpture of his character, albeit slightly different from the real person.
Au départ du projet, David Lynch voulait faire lui même les prothèses de l’elephant man avec de la mousse de polyuréthane souple, mais ses résultats étant décevants, il décida tardivement de s’adresser à Christopher Tucker dont les prothèses en mousse de latex avaient déjà fait merveille à la BBC sur différentes séries TV dont Moi, Claude Empereur, avec de très grands acteurs anglais. Mais il fallait aller vite pour rattraper le temps perdu dans les expériences malheureuses du réalisateur. De plus, le laboratoire de Chris était dans la banlieue Ouest de Londres, et le tournage devait s’effectuer en Angleterre et au USA. Pour éviter tout incident, la production décida d’assurer Christopher Tucker pour 2 millions de dollars pour la protection du film.
Christopher entreprit la création et mise au point des prothèses et leur tirage dans son atelier et l’application sur le tournage en a été faite par le maquilleur Wally Schneiderman. Notons que Wally Schneiderman aurait eu 100 ans le 8 Avril 2022, mais il n’est mort que l’an dernier. Il avait été nominé pour le BAFTA pour le film Chaplin de Richard Attenborough avec Robert Downey Jr dans le rôle du célèbre acteur.
Christopher Tucker, de son vivant, continua à produire les prothèses pour les tournées et les représentations de la comédie musicale Le Fantôme de l’Opéra dans toutes les distributions jouées sur la planète.
Il avait fallu 7 heures lors de la première application du maquillage d’Elephant man. Le temps est redescendu à 3 ou 4 heures seulement avec l’entrainement, mais les journées de tournage duraient 12 heures + 3 heures de démaquillage. Le comédien, John Hurt, ne tournait donc qu’au mieux un jour sur deux et parfois un jour sur 3.
Le magnifique maquillage de ce film n’a cependant pas pu être récompensé par un Oscar en 1981, car la récompense n’existait pas encore officiellement. A la suite du scandale mondial créé par la non attribution de cette récompense, pourtant si bien méritée, le premier Oscar du maquillage a été attribué l’année suivante en 1982, mais trop tard pour Elephant Man et Christopher Tucker.
Christopher Tucker a tout de même été récompensé pour ses autres créations sur La Guerre du Feu et La Compagnie des Loups par deux BAFTAs. Il a en outre été nominé pour Les Orages de la Guerre (War and Remembrance) pour les Emmy Award, l’équivalent de nos César pour la télévision.
On notera que le maquillage est récompensé au R.U., aux USA, en Allemagne et en Italie, mais toujours pas en France en 2024. Elephant Man est la preuve de son incontestable utilité dans la profession, même si tous les films n’ont pas des maquillages de ce niveau.
Quand cessera ce scandale et quand aurons-nous enfin un César du maquillage et de la coiffure en France ?
Laissons de côté temporairement Christopher Tucker, Wally Schneiderman et John Merrick, nous y reviendrons tout à l’heure, et voyons maintenant, comment sont faits, en général, les masques utilisés au cinéma.
At the outset of the project, David Lynch initially attempted to create the prosthetics for the Elephant Man himself using flexible polyurethane foam. However, his results were disappointing, prompting him to turn to Christopher Tucker, whose latex foam prosthetics had already excelled at the BBC on various TV series, including "I, Claudius," featuring prominent British actors. With time lost in Lynch's unsuccessful experiments, there was a rush to catch up.
Additionally, Christopher's workshop was located in West London, while filming was set to take place both in England and the USA. To mitigate any potential issues, the production decided to insure Christopher Tucker for 2 million dollars to safeguard the film.
Christopher embarked on creating and perfecting the prosthetics in his workshop, which were then applied on set by makeup artist Wally Schneiderman. It's worth noting that Wally Schneiderman would have turned 100 on April 8, 2022, but sadly passed away last year. He was nominated for a BAFTA for his work on Richard Attenborough's film "Chaplin," starring Robert Downey Jr. as the famous actor.
Christopher Tucker while still alive, continued to produce prosthetics for tours and productions of "The Phantom of the Opera" in all its global iterations.
Initially, applying the Elephant Man makeup took 7 hours. With practice, this was reduced to 3 or 4 hours, yet filming days lasted 12 hours, plus an additional 3 hours for makeup removal. Consequently, the actor John Hurt often only filmed every other day, sometimes every third day at best.
However, the magnificent makeup of this film could not be rewarded with an Oscar in 1981, as the award did not yet officially exist. Following the worldwide scandal created by the non-award of this well-deserved recognition, the first Oscar for makeup was awarded the following year in 1982, but too late for The Elephant Man and Christopher Tucker.
Christopher Tucker was nonetheless rewarded for his other creations in Quest for Fire and The Company of Wolves with two BAFTAs. He was also nominated for War and Remembrance for the Emmy Award, the television equivalent of our César.
It should be noted that makeup is rewarded in the UK, the USA, Germany, and Italy, but still not in France in 2024. Yet, we have seen tonight the indisputable importance of its role in the profession, even if not all films have makeup of this calibre.
When will this scandal end and when will we finally have a César for makeup and hairdressing in France?
Let's set aside Christopher Tucker, Wally Schneiderman, and John Merrick for the moment; we'll return to them shortly. Now, let's look at how masks used in cinema are generally made.
Il est nécessaire de rappeler, avant de commencer à travailler, qu’il faut commencer par définir ce à quoi on veut arriver. Avec un objectif précis en vue, on peut plus facilement déterminer comment faire pour y arriver. Donc, déterminer la forme de la sculpture ou des sculptures car un effet peut s’étaler sur plusieurs prothèses, notamment quand il faut changer de forme en cours de route. Heureusement, ce n’est pas le plus fréquent. On fait donc un ou plusieurs dessins, ou on consulte des photos pour s’inspirer de choses réelles. Ici, Tucker avait des photos et divers moulages de l’original qu’il a du adapter.
Dans les premiers temps du cinéma, les artistes faisaient eux-mêmes leur maquillage et les éventuelles modifications étaient faites à la pâte à modeler. Ce n’est qu’à la fin des années 1910-20 qu’on a commencé à faire des masques, en l’occurence surtout de gorille pour les films exotiques d’alors. Bien sûr, au tout début, c’était des masques creux, des coquilles vides, faits avec du latex liquide coulé dans des moules en plâtre, mais ces masques n’adhéraient pas à la totalité de la peau et donc se pliaient parfois à de mauvais endroits. On essaya donc très vite de les remplir avec de la mousse pour obtenir une meilleure adhérence et des mouvements de « peau » plus naturels. Cette mousse de latex servait alors à faire les pneus (c’était les formules Dunlop ou UniRoyal cette dernière principalement aux USA). Ces formules étaient noires à cause du charbon en poudre qui servait à la durcir pour les pneus, mais comme c’était pour faire des bêtes, cela n’avait pas d’importance.
Mais dans les années 30, avec l’arrivée de la couleur, on pensa à teinter la mousse de latex d’une façon plus crédible et on rajouta énormément de colorant orange dans la matière pour lui donner meilleure mine, mais ça ne suffisait pas. Jusque là, la teinte grisâtre n’était pas trop gênante en N&B, mais en couleur, ce fut différent. Il fallut inventer des recettes de fonds de teint qui s’adapteraient à ces masques pour pouvoir les filmer en couleur. Les huiles habituelles entrant dans la composition des fards d’alors changeaient leur couleur quand ils étaient appliqués sur du caoutchouc ou de la mousse de latex. On s’aperçut que l’huile de ricin échappait à cette malédiction. Mais les fards étaient alors très opaques et très épais tant il fallait y mettre de charges de matière inerte. Mais, bon, après quelques années de tâtonnements à la fin des années 30, on arriva à des formules convenables tant pour faire la mousse que pour la maquiller.
On envisagea donc d’utiliser cette mousse de latex non plus pour des bêtes ou des monstres, mais pour des déformations humaines. Le premier film à présenter de telles déformations fut Le Bossu de Notre Dame, avec Charles Laughton dans le rôle de Quasimodo. Le studio RKO ayant peur que la mousse de latex ne rendit pas bien sur l’écran fit tourner le film en Noir et Blanc à William Dieterlé à l’été 1939. Ce fut un choc pour le public et il est regrettable que l’équipe maquillage n’ait pas été créditée au générique mais c’était alors la coutume dans le cinéma. A la même époque, Warner Bros, moins timide, tourna Le Magicien d’Oz en couleur avec une très large équipe de maquilleurs, dont certains communs avec Le Bossu de N. D. Tout le monde a vu au moins une fois le Magicien d’Oz, mais je vous invite, si vous ne l’avez pas encore vu à voir Le Bossu de Notre Dame. Les prothèses en mousse de latex étaient lancées, mais un autre événement en Septembre 39 allait arrêter en Europe tout effort cinématographique. Hitler avait envahi la Pologne et déclenché la Seconde Guerre Mondiale. Les productions américaines qui avaient des studios en France et d’autres pays ont du quitter l’Europe sous la pression des nazis.
Notre propos aujourd’hui étant la fabrication des masques, j’y reviens, et vais à présent vous en décrire les étapes principales.
Bien sûr, pendant les années de guerre, aucun progrès ne fut accompli en France sur les prothèses. Ce n'est que vers la moitié des années 50 que George Klein retour de Hollywood, commença à fabriquer des prothèses en mousse de latex dans sa cuisine pour quelques films dont Notre Dame de Paris de Jean Delannoy avec Anthony Quinn en Quasimodo. Mais beaucoup d'autres maquilleurs furent jaloux de ses compétences et il se suicida en 1963 emportant ses formules avec lui. Néanmoins, les USA et l'Angleterre continuèrent à développer des formules et plusieurs films furent faits dans ces pays avec de la mousse de latex alors qu'en France un nez de Cyrano sur Claude Dauphin était encore fait à la pâte à modeler.
Depuis la fin des années 30 jusqu’à la moitié des années 60, en France, il fallait alors mouler au moins le visage entier, du milieu du sommet de la tête jusqu’au bas du cou, en faire une copie en plâtre, en rectifier les défauts et monter dans un socle en plâtre (pour rendre la manipulation plus facile et l’équilibre plus certain), y sculpter les transformations voulues, un monstre ou un vieillissement, mouler la sculpture au plâtre. On avait donc un moule en deux parties, un positif représentant le visage de l’artiste et un négatif représentant la transformation. Les deux parties de ce moule double nettoyées, on y coulait la mousse de latex dans le moule négatif que l’on refermait très fort avec le positif, avant de l’enfourner à 99° C pendant plusieurs heures selon la taille et l’épaisseur du masque. Quand la mousse était enfin cuite, il fallait laisser le moule redescendre en température à 25-30° avant de pouvoir ouvrir le four et en sortir les moules. Si on se précipitait à ouvrir le four trop tôt, c-à-d quand la température était encore au-dessus de 50-55° C, le plâtre des moules subissait un choc thermique et le moule pouvait craquer, obligeant ainsi à tout refaire. On faisait donc attention à respecter les délais.
Lorsqu’il fallait aller vite à produire de nombreuses pièces à la fois, il fallait dupliquer les moules en plâtre en moulant chaque élément en silicone afin d’en tirer ensuite autant de copies que nécessaire. Cela coûtait une fortune sur un petit budget, mais était indispensable sur les films à budgets normaux. On pouvait ainsi cuire plusieurs jeux de masques en une seule fois. Cela présentait l’avantage de permettre de rejeter sans inconvénient une pièce défectueuse si cela arrivait. Mais revenons donc à la fin de la cuisson de notre premier masque.
On avait donc un masque recouvrant complètement le visage, il n’y avait plus qu’à ouvrir les yeux et la bouche (cela avait été anticipé dans la sculpture, et les bords du masques à ces endroits étaient très fins à cet effet) avant de coller ce masque, de le maquiller, d’y ajouter postiches et perruque si nécessaire et on voyait apparaitre le personnage. Bien sûr, on faisait la même chose pour les mains ou toute autre partie visible du personnage. Cela a donné quelques très beaux résultats. Précisons qu’un masque ou une prothèse, ne sert qu’une seule fois, parce que les bords de la pièce, très fins, comme du papier à cigarettes, sont généralement détruits au démaquillage.
Mais on n’avait pas toujours besoin d’un masque entier, parfois un simple nez de Cyrano ou la moitié d’un visage défiguré faisait l’affaire comme pour le Fantôme de l’Opéra, ou pour des blessures. Mais pour les grands vieillissements ou autres transformations importantes, le masque entier était un souci pratique, notamment autour de la bouche.
Un talentueux maquilleur new-yorkais qui avait déjà eu du succès avec des maquillages à prothèses à la NBC, Dick Smith, à la fin des années 60, découvrit le principe de la sculpture éclatée qui devait s’avérer beaucoup plus pratique et la technique se répandit très vite, car Dick Smith faisait profiter ses nombreux élèves de toutes ses découvertes.
On faisait toujours une copie positive en plâtre de l’artiste mais on l’isolait avec un vernis bouche-pores hydro soluble avant d’y poser la pâte à modeler servant à faire la sculpture. La sculpture faite, on la découpait avec une très fine lame de scalpel à des endroits appropriés puis on mettait le tout dans l’eau. Plus tard, l’eau, ayant traversé le plâtre, dissolvait le vernis bouche-pores et les morceaux de la pâte à modeler se décollaient aisément du positif. On les posait alors à sécher et on tirait des copies partielles du visage original en-dessous du bloc de pâte décollée. On posait alors la pâte à modeler dessus, faisant quelques rectifications au besoin, puis on re-moulait chaque pièce séparément.
Après que ce nouveau double moule ait été ouvert et nettoyé, chaque nouveau moule négatif était alors rempli de mousse et mis au four comme précédemment à vulcaniser (cuire). Une fois démoulées, on avait donc une collection de pièces complémentaires, à la manière d’un puzzle, qui mises côte à côte dans le bon ordre donnaient un masque apparemment entier, mais beaucoup plus souple, plus fin et donc plus léger et plus convainquant. Au début, c’était un peu plus long à appliquer qu’un masque entier, mais le jeu en valait largement la chandelle. Petit à petit, d’ailleurs, on est arrivé à minimiser le temps d’application en travaillant non plus seul mais à deux (rarement plus) sur un visage pendant qu’un autre encore faisait les mains… C’est d’ailleurs souvent pour ça que les jeunes réalisateurs pensent que les maquilleurs coûtent cher, mais ces jeunes débutants n’ont pas encore enregistré qu’un maquilleur ne travaille plus seul depuis longtemps et qu’il y a donc plusieurs salaires à compter dans le devis d’un effet à prothèses. Et ceci vaut aussi, naturellement, pour la fabrication des moules.
Vous avez incidemment bien compris qu’on ne fait pas tout ce travail sur un coin de sa table de cuisine pendant qu’on prépare la salade ou le poulet rôti. Il faut un vrai local aménagé convenablement. Ce n’est pas « un petit truc de rien, pas cher » comme on l’entend souvent dire par des débutant ignorants qui naïvement veulent minimiser leur demande espérant en minimiser le budget. Non, les résultats hollywoodiens ne s’obtiennent pas à prix de super marché, ni déjà tout prêts sous cellophane dans un tiroir. Il ne faut pas croire cela. Ce n’est juste pas réaliste ni professionnel. Mais quand on débute, ça peut se comprendre. Après, c’est de l’escroquerie et ça n’incite pas à travailler avec ceux qui font de telles propositions.
Généralement, on commencera un maquillage de ce genre soit par raser le crane de l’acteur (John Hurt avait un long tournage à faire), soit par la pose d’un faux crâne qui protègera la chevelure naturelle et permettra des collages moins douloureux que dans les cheveux. On passera après au collage des différentes pièces du maquillage.
Depuis la fin des années 40, on avait réussi à faire de la mousse blanchâtre en éliminant le charbon de la formule et en le remplaçant par d’autres produits. La mousse était donc devenue blanche comme de la crème fouettée. On pouvait donc y ajouter un colorant couleur peau en toute petite quantité, mais trop approximativement, ce qui aboutissait souvent à des pièces qui n’étaient pas toutes exactement de la même couleur, même si on avait utilisé le même colorant.
Pour maquiller ces pièces disparates, il faut les coller séparément sur la totalité de leur surface interne sur la totalité aussi de la peau de l’acteur. On encolle d’abord l’intérieur de la prothèse (sauf le demi centimètre en bordure) avec une colle contact, c’est à dire que même apparemment sèche elle collera sur une autre surface de la même colle, même sèche, puis on laisse sécher la colle et on encolle la zone de peau correspondante de l’artiste. Quand ça parait sec, on pose la prothèse par dessus, en évitant les faux plis, et on l’ajuste bien à la bonne place. Quand la pièce est en place, on encolle les bords laissés secs et on les presse dans la colle sèche. Et ainsi de suite pour toutes les pièces.
Quand toutes les pièces sont collées, on peut estamper un peu de colle-crème le long des bordures pour qu’il n’y ait pas de marche d’escalier entre la prothèse et la peau.
On peut alors maquiller avec les fonds de teints à l’huile de ricin. On finit ensuite le maquillage avec toutes les couleurs d’appoint habituelles : ombres et lumières, couperose, ombre de barbe mal-rasée, taches de rousseur ou de vieillesse, etc…
Le maquillage fini, on ajoute la perruque ou les postiches, les fausses dents, les lentilles de contact, etc…
Voilà décrit le processus habituel pour utiliser des prothèses ou un masque en plusieurs pièces. Mais Chris Tucker a cumulé d’autres difficultés pour réaliser son maquillage.
It is necessary to remember, before starting work, that one must begin by defining what they want to achieve. With a clear objective in mind, it becomes easier to determine how to reach it. Therefore, it is important to determine the shape of the sculpture or sculptures, as an effect can involve multiple pieces, especially when it needs to change shape along the way. Fortunately, this is not very common. Thus, one makes one or more sketches, or consults photos to draw inspiration from real things. In this case, Tucker had photos and various casts of the original that he had to adapt.
In the early days of cinema, artists did their own makeup, and any necessary modifications were made using modelling clay. It wasn't until the late 1910s and 1920s that masks began to be made, primarily gorilla masks for the exotic films of the time. Of course, at the very beginning, these were hollow masks, empty shells made with liquid latex poured into plaster moulds. However, these masks did not adhere to the entire skin and sometimes folded in undesirable places. So, they quickly tried to fill them with foam to achieve better adhesion and more natural "skin" movements. This latex foam was then used to make tyres (the Dunlop or UniRoyal formulas, the latter mainly in the USA). These formulas were black because of the powdered charcoal used to harden them for tyres, but since it was for making animals, this didn't matter.
But in the 1930s, with the advent of colour, they thought of tinting the latex foam in a more credible way and added a lot of orange dye to the material to give it a better appearance, but this wasn't sufficient. Up until then, the greyish tint was not too problematic in black and white, but in colour, it was different. They had to invent foundation formulas that would adapt to these masks for filming in colour. The usual oils used in the makeup of the time changed their colour when applied to rubber or latex foam. They discovered that castor oil escaped this curse. However, the makeup was then very opaque and very thick, as a lot of inert material had to be added. But, well, after a few years of trial and error in the late 1930s, they arrived at suitable formulas for making the foam and for makeup.
They then considered using this latex foam not just for animals or monsters, but for human deformities. The first film to showcase such deformities was The Hunchback of Notre-Dame, with Charles Laughton as Quasimodo. The RKO studio, fearing that latex foam might not look good on screen, had William Dieterle shoot the film in black and white in the summer of 1939. It was a shock for the audience, and it is regrettable that the makeup team was not credited in the film, as was customary at the time. Meanwhile, Warner Bros, less timid, filmed The Wizard of Oz in colour with a large team of makeup artists, some of whom also worked on The Hunchback of Notre Dame. Everyone has seen The Wizard of Oz at least once, but if you haven't yet, I invite you to watch The Hunchback of Notre Dame. Latex foam prosthetics were launched, but another event in September 1939 would halt all cinematic efforts in Europe. Hitler had invaded Poland and triggered World War II. American productions with studios in France and other countries had to leave Europe under Nazi pressure.
Since our topic today is mask making, I'll return to that and now describe the main steps involved.
Of course, during the war years, no progress was made in France on prosthetics. It wasn't until the mid-1950s that George Klein returned from Hollywood and started making foam latex prosthetics in his kitchen for a few films, including Notre-Dame de Paris by Jean Delannoy, with Anthony Quinn as Quasimodo. However, many other makeup artists were jealous of his skills, and he committed suicide in 1963, taking his formulas with him. Nonetheless, the USA and England continued to develop formulas, and several films were made in these countries with foam latex, while in France, a Cyrano nose on Claude Dauphin was still made with modelling clay.
Since the late 1930s until the mid-1960s in France, the process involved moulding at least the entire face, from the mid-top of the head down to the bottom of the neck. This mould was then used to make a plaster cast, which was corrected for any imperfections and mounted on a plaster base to facilitate handling and ensure balance. The desired transformations, such as a monster or an ageing effect, were then sculpted onto this cast, and the sculpture was moulded in plaster. This created a two-part mould: a positive representing the actor's face and a negative representing the transformation. After cleaning both parts of this double mould, foam latex was poured into the negative mould, which was then tightly closed with the positive part, before being placed in an oven at 99°C for several hours, depending on the mask's size and thickness. Once the foam was finally cured, the mould had to cool down to 25-30°C before the oven could be opened and the moulds removed. Opening the oven too early, while the temperature was still above 50-55°C, could cause thermal shock to the plaster moulds, potentially cracking them and requiring the entire process to be redone. Therefore, adhering to the cooling time was crucial.
When there was a need to quickly produce numerous pieces simultaneously, the plaster moulds were duplicated by moulding each element in silicone to produce as many copies as needed. This was costly for a small budget but essential for films with normal budgets, allowing multiple sets of masks to be cured at once. This approach also had the advantage of being able to discard a defective piece without much hassle if necessary. Now, let's return to the end of the curing process for our first mask.
We had a mask completely covering the face, and the next steps involved opening the eyes and mouth (which had been anticipated in the sculpture, with very thin edges at these areas) before adhering the mask, applying makeup, adding hairpieces and wigs if necessary, and thus revealing the character. Of course, the same process was used for the hands or any other visible part of the character. This method yielded some very impressive results. It's worth noting that a mask or prosthetic piece is typically used only once, as the edges of the piece, which are as thin as cigarette paper, are usually destroyed during the removal process.
But a full mask wasn't always necessary; sometimes a simple Cyrano nose or a half-disfigured face, as in The Phantom of the Opera, or injuries would suffice. However, for significant ageing effects or other major transformations, a full mask posed practical issues, especially around the mouth.
A talented New York makeup artist who had already achieved success with prosthetic makeup at NBC, Dick Smith, discovered the principle of the split sculpture in the late 1960s. This technique proved to be much more practical and quickly spread, as Dick Smith generously shared all his discoveries with his many students.
The process still began with making a plaster positive copy of the actor’s face, which was then isolated with a water-soluble sealer before applying the modelling clay for the sculpture. Once the sculpture was done, it was cut with a fine scalpel blade at appropriate points and placed in water. The water would eventually penetrate the plaster, dissolve the sealer, and the modelling clay pieces would easily detach from the positive. These pieces were then left to dry, and partial copies of the original face underneath the detached clay blocks were taken. The modelling clay was then placed back on these partial copies, with any necessary corrections made, and each piece was moulded separately.
After this new double mould has been opened and cleaned, each new negative mould was then filled with foam and placed in the oven as before to vulcanise (cure). Once demoulded, there was a collection of complementary pieces, like a puzzle, which, when put together in the correct order, formed a seemingly whole mask. This mask was much more flexible, thinner, lighter, and therefore more convincing. Initially, it took a bit longer to apply than a full mask, but it was well worth the effort. Gradually, the application time was reduced by having two artists (rarely more) work on the face simultaneously, while another worked on the hands. This is often why young directors think makeup artists are expensive, not realising that makeup artists haven’t worked alone for a long time and that multiple salaries are involved in the budget for a prosthetic effect. This also naturally applies to the mould-making process.
It should be understood that this work cannot be done on a corner of your kitchen table while preparing a salad or roasting a chicken. It requires a properly equipped workspace. It’s not just a "small, cheap thing," as often stated by naive beginners hoping to minimise their request and thereby their budget. Hollywood-quality results are not achieved at supermarket prices, nor are they pre-packaged under cellophane in a drawer. This belief is neither realistic nor professional. While such misconceptions can be understood at the beginning, they are deceptive later on and discourage collaboration with those who make such unrealistic proposals.
Typically, such makeup begins with either shaving the actor's head (John Hurt had a long shoot ahead) or applying a bald cap to protect natural hair and allow for less painful gluing compared to gluing directly onto hair. The application of the different makeup pieces follows.
Since the late 1940s, it had become possible to make whitish foam latex by removing charcoal from the formula and replacing it with other substances. The foam thus became as white as whipped cream. A small amount of skin-coloured dye could be added, but this was often done imprecisely, resulting in pieces that were not exactly the same colour even when the same dye was used.
To apply makeup to these disparate pieces, each one must be glued separately on its entire internal surface to the corresponding area of the actor's skin. First, contact adhesive is applied to the inside of the prosthetic (except for a half-centimetre border) and left to dry, then the corresponding area of the actor's skin is glued. Once the glue appears dry, the prosthetic is positioned, avoiding creases, and adjusted into place. The dry borders are then glued down, and this process is repeated for all pieces.
Once all pieces are glued, a bit of cream adhesive can be applied along the edges to smooth the transition between the prosthetic and the skin.
Next, castor oil-based foundation is applied. The makeup is finished with all the usual additional colours : shadows and highlights, rosacea, unshaven beard shadow, freckles or age spots, etc.
Finally, the wig or hairpieces, false teeth, contact lenses, etc., are added.
This describes the usual process for using prosthetics or a multi-piece mask. However, Chris Tucker faced additional challenges in creating his makeup.
Les malformations de John Merrick n’étant pas du tout quelque chose d’aussi standard que ce que je viens de vous décrire, il a fallu inventer un autre procédé que Christopher a eu la gentillesse de m’expliquer il y a fort longtemps quand je suis allé chez lui.
Il a procédé en deux étages : le dessus, visible, souple en mousse de latex et le dessous, l’épaisseur cachée par les prothèses, des grosses déformations (dessus de tête, main droite, diverses parties du corps, en mousse de polyuréthane relativement plus rigide. Le dessus de la tête avait été aménagé pour que la partie chevelue reste solidaire du dessous puisque cela ne bougeait pas. Une prothèse en mousse de latex souple venait recouvrir une partie du visage et la bordure de la grosse pièce. Un petit raccord rendait cela invisible et la grosse pièce était réutilisable moyennant un petit nettoyage. Ainsi chaque pièce « dure » était recouverte d’une pièce souple. Les raccords de maquillage permettaient de ne pas voir les collures.
Aucune photo couleur n’avait été faite de ce maquillage sur le tournage. Christopher Tucker m’a montré la seule qui existait à sa connaissance et qu’il avait faite lors des essais. J’ai été très ému de voir cette photo. Ma visite chez lui ce jour là, comme toujours, fut un enchantement pour le jeune chef maquilleur que j’étais alors. Christopher Tucker fut une aide précieuse pour mes recherches pour trouver mes propres formules de mousse de latex, et il demeure un grand ami très cher.
Voilà ce qu’on pouvait dire à propos du maquillage de John Merrick de ce film Elephant Man. Mais le maquillage des masques et prothèses ne s’est pas arrêté en 1980.
Dick Smith, encore lui, a remis en vogue l’usage de la gélatine pour faire des prothèses. Cela fonctionnait bien car on pouvait dissoudre les fines bordures des pièces avec un solvant spécifique (à base d’Aloé Vera), ce qui n’était pas couramment possible avec la mousse de latex. Il fallait ensuite recouvrir la prothèse collée avec un film plastique et la maquiller sans trop de difficulté. Mais le poids des grosses pièces en gélatine a sérieusement ralenti la progression et le développement de cette matière, d’autant plus qu’un maquilleur canadien, Gordon Smith (non, il n’est pas apparenté à l'américain Dick Smith) a introduit un nouveau système qui a largement remplacé les deux autres dans les usages les plus courants : les prothèses encapsulées en gel de silicone.
Au départ, on a encore un moule positif et un moule négatif, mais ils ne sont plus exclusivement en plâtre et peuvent être en silicone ou en résine de polyuréthane.
Les deux parties du moules sont préparées avec du plastique à faux crânes, puis on mélange les parties A et B du silicone dont une peut être colorée pour assurer la bonne distribution de la couleur dans le mélange. On ajoute un assouplissant, celui découvert par Gordon Smith, Deadener en anglais, puis on referme les deux parties du moule en serrant bien fort avec des clamps ou des liens. Après la durée de séchage recommandée par le fabricant de votre formule, vous pouvez démouler. Vous avez alors une pièce en silicone souple que vous pouvez coller sur la peau avec de la colle de maquillage comme précédemment et dissoudre les bordures avec le solvant approprié.
Cela marche très bien pour de petites pièces fines mais les gros doubles mentons ou ventres de grossesse doivent toujours être faits en mousse de latex, beaucoup plus légère.
Pour réaliser de petites blessures ou des pièces plates (poches sous les yeux, front, joues, cou…), une autre technique nouvelle est la fabrication des moules à plat, c’est à dire en une seule pièce négative : vous mettez votre couche plastique au pinceau ou à l'aérographe, la laissez sécher à moitié, puis après avoir préparé votre silicone comme précédemment, vous le coulez dans le moule. Il suffit alors d’araser le surplus de matière avec une lame sur la totalité de la surface du moule en une seule fois. Nettoyez alors les éventuelles souillures restantes du silicone avec de l'essence à briquet, et laissez sécher. Vous pourrez alors coller votre pièce directement sur la peau après l’avoir ravivée à l’alcool, ou rajouter une fine pellicule de plastique à faux crâne si vous devez vous déplacer avant de poser votre prothèse. La pièce posée, le solvant du plastique, acétone ou alcool, dissoudra les bordures les rendant invisibles.
Avec le temps, les fonds de teint à base d'huile de ricin ont été remplacés par des produits à l'alcool, beaucoup plus fins, largement utilisés.
Les produits et techniques évoluent, les principes restent. C’est toujours aussi passionnant. Cependant, je ne pouvais pas vous donner ici et maintenant tous les détails, c’aurait été bien trop long, bien sûr, mais tous les principes vous ont été exposés, et je donne tous les détails dans mes formations.
Je vais maintenant répondre à vos questions.
(Les lecteurs intéressés peuvent aussi aller voir le chapitre consacré à ce sujet ici.)
John Merrick's deformities were not at all as standard as what I've just described, so another process had to be invented, which Christopher kindly explained to me a long time ago when I visited him.
He proceeded in two stages: the visible top layer, flexible foam latex, and the hidden bottom layer, the thickness concealed by the prosthetics, consisting of large deformations (top of the head, right hand, various body parts) made of relatively more rigid polyurethane foam. The top of the head was designed so that the hairy part remained attached to the underside as it did not move. A flexible foam latex prosthetic covered part of the face and the edge of the larger piece. A small seam made it invisible, and the large piece was reusable with a little cleaning. Thus, each durable piece was covered with a flexible one. Makeup blending allowed the seams to be invisible. No colour photos of this makeup were taken during filming. Christopher Tucker showed me the only one he knew of, taken during the tests. I was deeply moved to see that photo. My visit to him that day, as always, was a delight for the young chief makeup artist I was then. Christopher Tucker was a valuable help in my research to find my own foam latex formulas, and he remains a dear friend.
So, that's what could be said about the makeup of John Merrick in the film Elephant Man. But makeup for masks and prosthetics didn't stop in 1980.
Dick Smith, once again, revived the use of gelatine for making prosthetics. This worked well because the fine edges of the pieces could be dissolved with a specific solvent (based on Aloe Vera), which was not commonly possible with foam latex. The prosthetic, once applied and glued, was covered with a plastic film and could be easily made up. However, the weight of large gelatine pieces seriously slowed down the progression and development of this material, especially as a Canadian makeup artist, Gordon Smith (no, he's not related to the American Dick Smith), introduced a new system that largely replaced the other two in common usage : prosthetics encapsulated in silicone gel.
Initially, there's still a positive and negative mould, but they are not exclusively made of plaster and can be made of silicone or polyurethane resin.
The two parts of the moulds are prepared with faux skull plastic, then the A and B parts of silicone are mixed, one of which can be coloured to ensure even distribution of colour in the mixture. An emollient, discovered by Gordon Smith, known as Deadener, is added, then the two parts of the mould are closed tightly with clamps or ties. After the recommended curing time specified by the manufacturer of your formula, you can demould. You then have a flexible silicone piece that you can glue to the skin with makeup adhesive as before and dissolve the edges with the appropriate solvent.
This works very well for small, fine pieces, but large double chins or pregnancy bellies should still be made of foam latex, which is much lighter.
To create small wounds or flat pieces (under-eye bags, forehead, cheeks, neck...), another new technique is making flat moulds, i.e., in a single negative piece: you brush on or airbrush your plastic layer, let it dry halfway, then after preparing your silicone as before, pour it into the mould. It's then just a matter of levelling off the excess material with a blade across the entire surface of the mould in one go. Clean off any remaining silicone impurities with naphta (lighter oil) and let it dry. You can then glue your piece directly onto the skin after refreshing it with alcohol, or add a thin layer of cap plastic if you need to move before applying your prosthetic. Once applied, the plastic solvent, acetone or alcohol, will dissolve the edges, making them invisible.
Over time, oil-based foundations have been replaced by alcohol-based products, which are much finer and widely used.
Products and techniques evolve, but the principles remain the same. It's still just as exciting. However, I couldn't give you all the details here and now, as it would have been far too long, of course, but all the principles have been explained to you, and I provide all the details in my training sessions.
Now, I'll take your questions.
(Interested readers can also refer to the dedicated chapter on this subject here.)